lundi 19 février 2018

Où est la révolution de la data en France ?

Le magazine Time nomme chaque année la personne de l'année qui a le plus influencé l'année.

En 2016, cette personne c'était vous (You), pour reconnaître votre maîtrise de l'entrée dans l'Age de l'information avec la révolution des réseaux sociaux, des tablettes et des smartphones, assimilée par plus de 3 milliards d'individus sur la planète. Mais comme dis le proverbe chinois "quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt".

Il nous a fallu un peu plus de temps pour voir la lune : la data.
En 2018 GreenSI pense que la data pourrait être la couverture "Person of the Year" : une année qui va être marquée par la mise en place du RGPD en Europe pour mieux gouverner les données personnelles dans les entreprises et l'explosion de l'Intelligence Artificielle en Chine et aux États-Unis, qui exploite les gisements de données les plus riches de la planète, celles des citoyens du Monde en attendant celles des machines.

Mais si la donnée est vraiment l'or noir du XXIème siècle, sa place devrait être centrale dans l'entreprise. Les raffineries de données devraient tourner à plein régime et valoriser cet or noir au maximum pour créer de la richesse visible dans les comptes des entreprises et anticipée par la Bourse.

Il n'y a pas de doute que les GAFAs l'ont bien compris et si on prends en exemple le ratio de productivité de Google ($1.200 million par employé) il est jusqu'à six fois supérieur à une société traditionnelle reposant simplement sur des actifs matériels. La valorisation des GAFAs est aussi impressionnante, plusieurs dizaines de fois leurs bénéfices.
En France en 2016 deux entreprises du CAC40 sont à ce niveau de productivité globale, Total qui exploite l'or noir du siècle précédent et AXA dans l'assurance et les services financiers fortement numérisés. Puis le ratio tombe a la moitié pour terminer en bas du classement avec le commerce de détail qui tourne autour de 200.000€ par employé.

Ces chiffres semblent donc indiquer une révolution... qui ne se matérialise pas encore!

Au niveau des valorisations, si on regarde les prometteuses startups, en 2017 les licornes (dont la valorisation est supérieure à 1 milliard) sont américaines ou chinoise à 77% chinoises. Les européennes sont passées de 47 à 57 en 2017 (+21%), mais les françaises sont toujours au nombre de 3 comme en 2016 (Blablacar, Criteo et Vente-privée), et 4 si GreenSI ajoute OVH valorisée plus d'un milliard mais beaucoup plus vieille que les 3 autres. Ces 3 exemples sont pourtant le moteur français de l'économie des plateformes avec au cœur les données. Quand à OVH, dans l'hébergement des plateformes, il profite lui plus largement de cette nouvelle économie en fournissant les infrastructures.

Proportionnellement à son poids en Europe, ces exemples de grands groupes ou de licornes semblent bien légers pour représenter la France. D'où la question posée par GreenSI : la France est-elle en train de rater la révolution du moteur de la donnée ?

Est-ce que la valorisation des données, pourtant à l'agenda de Davos avec l'intelligence artificielle à toutes les sauces et dans toutes les réunions de programmes de transformation des grands groupes, butte sur une difficulté inattendue ? Pourquoi n'a t-on encore que les exemples des GAFAs et BATX pour parler de valorisation massive des données ?

Cette question sera débattue le 7 mars dans le cadre d'une table ronde aux rencontres d'affaire de ROOMn. Ce billet est l'occasion de laisser votre avis ou des exemples non-GAFAs dans les commentaires, dans le sondage à la fin du billet ou, comme vous savez très bien le faire, directement sur Twitter ou LinkedIn ;-)

Dans les premiers échanges que j'ai pu avoir avec des data scientists pour la préparation de cette conférence, on m'a déjà remonté plusieurs "mirages" vers lesquels l'entreprise se dirige et que je voulais partager dans ce billet. Et comme chacun sait, le mirage n'est que le reflet d'une réalité beaucoup plus lointaine, mais qui pourrait décourager les caravanes qui en attendait leur salut...

Le mirage de la plateforme unique

Pour valoriser les données faut-il une plateforme unique pour toute l'entreprise ?
Si l'entreprise est petite ou moyenne, on l'achète, si elle est grande on noue un partenariat stratégique avec un des acteurs de ces plateformes. D'ailleurs les budgets marketing de Microsoft, IBM, et autres Salesforce sont justement fait pour vous faire avoir cette idée (rappelez-vous du film Inception du réalisateur Christopher Nolan?) !

Oui, il faudra structurer une chaîne d'information des sources à la valorisation, et oui les plateformes citées vont jouer un rôle pour raffiner les données jusqu'à les exposer dans de nouveaux services, mais de là à penser qu'il suffirait d'en acheter une pour atteindre le Saint-Graal et qu'il n'en faudra qu'une pour tous le besoins, c'est une autre histoire...

Si on prends l'exemple de la valorisation par de nouveaux algorithmes intelligents qui vont transformer les processus et délivrer de nouveaux services, ils ne se feront pas sans une transformation des métiers.

C'est une nouvelle relation homme-machine au service du business qui se dégage de tous les débats sur l'IA et a été traitée dans le billet sur l'IA la plateforme de développement du business. La plateforme technique n'est donc au mieux que la moitié du sujet. Elle ne répond pas à l'organisation du métier, des processus et de la collaboration nécessaire.

GreenSI voit donc dans l'étude récente de Gartner, commentée par Silicon.fr, qu'un DSI sur deux est prêts à déployer l'IA, un signe qui n'est finalement pas très rassurant. Sans le métier les DSI n'iront certainement pas bien loin et on aura dépensé beaucoup d'argent pour acheter une plateforme mirage ou peut-être même miracle.

Le mirage de l'organisation silotée

Donc l'organisation va être essentielle pour aborder cette transformation.

En plus des rôles déjà existant dans les directions métiers, notamment au marketing, les nouveaux rôles des données émergent dans les entreprises. Le Chief Digital Officer coordonne la transformation digitale qui repose en partie sur les données (mais pas que). Le Chief Data Officer lui se positionne sur la valorisation des données. Dans le monde anglo-saxon on met en place les rôles prévus par les démarches structurées comme DM-BOK (ex. Data Steward, Data Owner, ...), une démarche qui est à la data ce que PM-BOK est à la gestion de projet (BOK = Body of Knowledge). Sans compter les Data Scientists parfois oubliés dans leurs laboratoires.

Et voilà qu'en 2018 le nouveau Règlement Général de Protection des Données demande la mise en place d'un Data Protection Officer (DPO), qui pourra être le CIL (correspondant informatique et liberté) demandé par la CNIL, pour se porter garant de tous les processus exploitant les données personnelles, ce que bien sûr l'entreprise a déjà identifié et documenté depuis fort longtemps ;-)

Comment tous ces acteurs interagissent ? A quelle vitesse ? Sont certainement des questions qu'il faut se poser pour avoir des organisations réellement opérationnelles pour le business et pas uniquement ancrées dans la gouvernance des données.

La réalité est donc certainement que l'entreprise cherche son modèle d'organisation pour traiter les données de bout en bout ; et lâcher prise sur les applications qui en sont irriguées et qui jusqu'à présent ont structuré (et siloté) sa façon de penser le SI.

Pour GreenSI l'Intelligence Artificielle est révélatrice des vrais transformations, et c'est peut-être une bonne chose de regarder plus loin et de lever la tête au dessus du mirage que peuvent représenter ces nouvelles organisations à la peinture encore fraîche.

Le mirage de la collaboration facile

En 2009, l'entreprise s'est penchée sur le développement des réseaux sociaux et a cherché à reproduire en interne ce moteur de la collaboration qui en 10 ans a touché 3 milliards de personnes dans le monde. Ce sont les réseaux sociaux d'entreprises.

Le retour d'expérience c'est qu'en 9 années, toutes les entreprises sont encore loin d'exploiter en interne ce moteur et celles qui l'exploitent ne le font pas encore à son plein potentiel. Et en externe les flux sociaux, un immense réservoir de données, ne sont pas non plus maîtrisées par les entreprises qui pensent encore que l'Internet 2.0 est un média et non un espace de collaboration. C'est donc un processus de changement relativement lent qui est à l'œuvre dans les entreprises sur le sujet de la collaboration.

Les outils ne sont pas à blâmer, même si l'entreprise peut regretter que Microsoft qui était bien ancré dans la bureautique n'ait pas été le leader qui emmène ses clients dans l'entreprise 2.0 avant 2013 (fin 2012 Microsoft change de cap et rachète un des acteurs majeurs, Yammer).

La collaboration ne se décrète donc pas, elle s'organise et s'anime tous les jours. On revient donc à la question de l'organisation et de la création d'une culture favorable.
 

Pour la donnée ce sera pareil. La culture de la donnée doit se développer et ce ne sera pas simple. C'est un programme de conduite des changements qui se met en œuvre pour sensibiliser à la valeur de cette matière première virtuelle et au soucis de sa qualité.

Le mirage de la bibliothèque bien organisée

Quand on demande aux acteurs métiers quel est le monde idéal pour l'organisation des données on obtient souvent l'image de la bibliothèque.
Tout y est bien classé sur des étagères identiques. Quand on fait une requête on obtient un résultat exhaustif, donc on trouve ce qui correspond à nos critères et on sait que rien d'autre n'existe dans la bibliothèque si il ne nous a pas été retourné. C'est l'image de l'organisation d'un stock de données et de réservoirs annexes.

Malheureusement nous avons certainement quitté le monde des stocks pour le monde des flux.

Déjà les réseaux sociaux avaient mis le doigt sur l'importance de créer un réseau disponible pour répondre à des sollicitations imprévues et moins sur le stockage à priori des réponses. C'est pourquoi Twitter est aujourd'hui le meilleur outil de gestion de crise offrant une grande capacité de résilience. C'est même un peu pour ça que la DARPA a créé Arpanet en pleine guerre froide (devenu Internet) pour avoir un réseau résilient à une attaque nucléaire qui supprimerait l'un de ses nœuds.

Ces réseaux nous amènent donc dans le monde des flux, où les données y sont ouvertes avec des API, des mécanismes d'abonnements et de publication remplacent les requêtes aux critères trop précis dans un monde incertain. De nouvelles architectures "Data Driven" sont choisies par les GAFAs pour développer leurs plateformes. Les bases de données gros volumes n'utilisent plus uniquement SQL, le langage standard de requête, et se différencient du modèle relationnel historique avec le NoSQL (not only SQL). L'open data, va amplifier ce mouvement entre entreprises de la sphère publique.

La vision statique et rassurante des données est donc certainement un mirage dans un monde d'abondance de données. C'est pourtant ce que propose de nombreuses architectures applicatives. La vision dynamique des données se concentre sur les flux et tant pis si on ne les a pas toutes et/ou toutes bien organisées. Dans un modèle de flux c'est la vitesse qui compte, l'organisation des données se fait à la volée.

La bibliothèque bien organisée qui ressemble à un grand MDM de l'Univers est donc peut-être également un mirage...

Et vous, vous en pensez quoi ?

Maintenant, parmi ces mirages ou d'autres que vous voyez, c'est à vous de nous dire quels sont les freins majeurs dans votre entreprise. Merci pour votre contribution !

Une réalité virtuelle pour des applications bien réelles

Cette semaine GreenSI est allé faire un tour au salon Virtuality, pour y rencontrer les acteurs de la réalité virtuelle et des technologies immersives.

Ce domaine pour l'instant tiré par le grand public et par les ventes de "casques VR" (et d'ordinateurs compatibles pour leur fournir la puissance nécessaire) permet de s'immerger dans ces nouveaux univers numériques virtuels. Il avait fait l'objet de toutes les attentions quand Facebook avait racheté Oculus en 2014 et promis de démocratiser la technologie. Mais Facebook n'a pas su tirer immédiatement l'avantage escompté et c'est pour l'instant Sony qui en exploitant sa base de "gamers" qui a pris la tête, signe que le jeu domine encore fortement ce domaine.

Aujourd'hui le marché des casques haut de gamme est donc détenu par 3 acteurs (Sony, Oculus, HTC) dont les ventes au troisième trimestre 2017 ont atteint le million d'unités, un chiffre très sensible au niveau des prix comme l'a analysé le cabinet Canalys.

HTC en proie avec des difficultés financières, aurait émis l'idée l'été dernier de se séparer de la branche VR ce qui pourrait d'ailleurs redistribuer les cartes...

Le nombre d'utilisateurs de réalité virtuelle actifs devrait atteindre 171 millions dans le monde d'ici fin 2018, sur un marché applicatif encore vierge donc avec un potentiel de croissance important. Comme pour le marché des PC, une fois le matériel acquis, c'est certainement le logiciel qui sera le marché le plus dynamique.

Ces 3 acteurs sont bien sûr challengés par beaucoup d'autres, dont Microsoft, qui lui cherche à se positionner avec une réalité "mixte", entre le virtuel et la réalité augmentée, démontrée par son casque Hololens. Mais Microsoft a également effectué un revirement cet été avec le décalage en 2019 d'une nouvelle version des  Hololens, pour se concentrer sur le logiciel Windows Mixed Reality, compatible avec des matériels produits par des constructeurs plus traditionnels (Acer, HP, Lenovo...), et ainsi revenir à un modèle que Microsoft connait bien ;-)

Ce décollage des ventes des "terminaux d'accès" (les casques) est donc le signal attendu par la communauté pour se développer dans les domaines qui peuvent pleinement tirer parti cette réalité immersive accessible à un plus grand nombre.

Bien sûr les jeux vidéos gardent leur avance. Ils deviennent de véritables jeux d'exploration et territoires de nouvelles expériences sensorielles. Quand on veut être totalement mobile (le casque est relié à un ordinateur), le PC se porte sur le dos façon Tortue Ninja comme dans les compétitions de e-sport avec "After H(humanity)".

Les salles d'arcade "VR" se déploient en France et devraient continuer à démocratiser ces nouveaux usages.
Mais la VR (virtual reality) n'est pas réservée au jeu. La VR permet de créer des expériences bien réelles auxquelles d'ailleurs notre cerveau croit totalement !

L'immersion commence avec des vues 360° et des équipements simples et peu chers (casques sur smartphones), se poursuit des équipements sophistiqués avec des manettes (HTC), mais elle peut aller jusqu'à l'hyper-réalité qui ajoute des accessoires réels, bourrés de capteurs, que l'on tient (fusil, ballon, ...) et qui sont visibles dans le monde virtuel dans lequel on est plongé. Cette possibilité de toucher des objets réellement et de les manipuler quand on est immergé dans le monde virtuel est le stade actuel le plus développé de l'immersion... qui manipule notre cerveau.

Attention donc à ceux qui pensent qu'une vidéo 360° avec un casque Samsung Gear est innovante. C'est devenu une commodité en 2-3 ans, l'innovation est déjà loin devant...

Après les gamers, cette promesse de nouvelle expérience réservée à quelques privilégiés a attiré les marques et les agences digitales.
Ce sont donc beaucoup d'agences qui étaient là pour présenter les projets réalisés dans l'année, pas uniquement en réalité virtuelle mais également en réalité augmentée plus simple d'accès avec un smartphone ou une tablette.
Une boîte de PizzaHut, reconnue par l'application Blippar sur son smartphone, peut devenir un jeu 3D en réalité augmentée interactif et déclencher du contenu. Mais la simple image de la boîte prise par GreenSI (à gauche) et à nouveau scannée par l'application Blippar permet également de déclencher le jeu (à droite) sans avoir besoin d'avoir une vrai boîte de pizza (vous pouvez tester en téléchargeant Blippar sur votre smartphone). 



Pour exploiter l'immersif le développement de programmes de formation est certainement une tendance forte des applications de la VR en entreprise. Les Directions des Ressources Humaines ont ainsi la possibilité d'utiliser ces programmes pour des formations immersives en situation, comme pour la sécurité en milieu industriel, mais également pour en faire un atout dans l'attraction des talents et mettre un peu d'innovation dans leur marque employeur. Tant qu'elle n'est pas largement déployée, la VR reste un moyen de se différencier.

Tout un espace du salon Virtuality était dédié à la eSanté. On y retrouve encore ici l'objectif de formation des soignants immergés devant un patient virtuel, mais également le développement des premières applications très abouties pour le traitement de certaines pathologies.

La société MyReve propose par exemple un programme personnalisé thérapie de la peur du vide et de la claustrophobie, par la réalité virtuelle. KineQuantum s'attaque à la rééducation fonctionnelle, en outillant les cabinets des kinésithérapeutes de dispositif de réalité virtuelle et de logiciels permettant le diagnostic de leur patients sur ce qui touche entre autres à l'équilibre et au sensoriel. Une fois ce diagnostic réalisé, les patients peuvent faire des exercices de rééducation dans le monde virtuel, une sorte de "gamification" de la rééducation, pas toujours glamour quand on est laissé seul pour la faire. J'ai testé, c'est bluffant !

Mais pour GreenSI c'est aussi l'occasion de capturer de nombreuses données pendant l'exercice pour apprécier les progrès, corriger des postures et de se préparer à la phase suivante, l'intelligence artificielle. Plus les capteurs donneront à la machine une image précise du corps, plus le suivi des exercices par la machine (qui ne se lasse jamais !) sera performant et plus l'analyse de la machine pourra s'insérer de façon pertinente dans la relation kiné-patient.
Autre domaine au potentiel intéressant celui de l'immobilier.

BNP Paribas proposait à Virtuality de tester des concepts de  nouvelle expérience bancaire, et notamment la visite virtuelle d'un appartement avec sa conseillère qui peut à la demande meubler les pièces et jouer sur la luminosité selon l'heure de visite de l'appartement, avant de proposer un plan de financement adapté. 

Un assistant virtuel (Dom) est également inséré dans ce monde virtuel et guide l'utilisateur dans les options.

Une expérience convaincante pour la partie immobilière dont on mesure le gain de temps et l'impact d'une telle visite virtuelle pour préparer (et réduire) ses futures visites réelles. En revanche ça ne l'est pas encore pour la consultation de ses comptes dans un salon virtuel. Selon la méthode "test and learn", les retours de tous ceux qui ont testé vont certainement permettre à BNP Paribas d'améliorer cette expérience utilisateur et d'apprendre plus vite que ses concurrents, à suivre...

Autre acteur qui se prépare à la diffusion des casques dans les foyers, Targo un nouveau média, et donc de nouveaux journalistes qui veulent exploiter la vidéo 360, la réalité augmentée et la réalité virtuelle, pour amener une nouvelle expérience à leur lectorat. Demain irons-nous nous immerger dans les actualités au lieu de les lire ? 

Mais attention, c'est un peu réducteur de ne voir la VR que comme un nouveau média et univers à explorer. Cela rappelle ceux qui ont cru que l'Internet 1.0 a ses débuts était simplement un média. Oui Google et Facebook gagnent leur vie avec de la publicité sur internet comme un média, mais en délivrant des services (qui génèrent des données) et pas en produisant du contenu.

C'est donc certainement une première étape de développer ces contenus, mais la  VR va évoluer vers un univers plus collaboratif, plus ludique et plus orienté business avec des logiciels métiers et des équipements dédiés mixant logiciel et matériel qui permettront de contrôler totalement la qualité de l'expérience utilisateur. 

Le commerce, l'expérience en magasin (avec le on-line et le off-line en train de converger), les assistants virtuels et certainement les réseaux sociaux, pour ne citer qu'eux, vont tirer le développement de ce nouvel univers collaboratif qui s'appuiera sur la 3D, l'augmentation de la réalité et certainement de plus en plus l'immersion.

Bienvenue dans une nouvelle réalité, et après tout qu'importe si elle est virtuelle, dans la mesure où elle fait vendre. GreenSI est sûr que Jeff Bezos y a déjà pensé ;-)

dimanche 11 février 2018

La Cité du futur a besoin d'une architecture numérique

Cette semaine c'était la Maddy Keynote 2018. Cette année, la conférence sur l'innovation s'est voulue visionnaire sur le thème de la Cité du futur, même si on sait bien que l'un n'implique pas l'autre. Quatre thématiques y ont rythmé le développement de celle ville de demain qui, rappelons-le, se construit tous les jours (le transport, l’habitat, le bien-être et l’agora). C'est le transport où le numérique est très présent qui a retenu l'attention de GreenSI.


Cette année c'est Fleur Pellerin, ancienne secrétaire d'État au numérique à l'initiative de la French Tech et maintenant Présidente de Korelya capital, qui a fait la conférence d'ouverture.

Avec le recul, la French Tech - qui partait d'un manque de visibilité de l'écosystème d'innovation français et notamment des startups, d'un manque d'outils pour permettre cette visibilité, parfois bridée administrativement - s'est transformé en 5 ans en une démarche d'innovation à l'échelle d'un pays.

C'est une transformation qui a été réalisée par l'écosystème lui-même s'étant emparé de la French Tech mais aussi parce que les successeurs de Fleur Pellerin (Axelle Lemaire, Mounir Majoubi), ont su en garder l'esprit et relayer l'initiative pendant leur mandat.

C'est une approche à laquelle le Ministère du logement ne nous a pas habitué quand chaque Ministre veut laisser son nom à la postérité avec une nouvelle réduction fiscale ;-)

On retrouve d'ailleurs dans la méthode French Tech les fondamentaux d'une démarche d'innovation ouverte ou de transformation collaborative. L'adhésion, la diffusion, les ambassadeurs... sont les réels indicateurs de la vivacité. Le "nœud central" de la French Tech continue à financer quelques opérations de visibilité comme le déplacement au CES de Las Vegas, mais les territoires ont repris la main en structurant localement les initiatives privées. Les grands groupes s'y sont également engouffrés pour venir y respirer cet air frais de jouvence.

La FrenchTech a donc déjà largement transformé les villes et les régions en plus de son fort rayonnement à l'international. D'une certaine façon elle a créé un terreau favorable pour le développement de la Cité de futur, celui de ses "transformateurs".

Aujourd'hui, les jeunes diplômés veulent devenir entrepreneurs et cherchent ces territoires où ils pourront mettre en œuvre leurs idées. Ils acceptent les risques liés à l'échec, et rejoindront peut-être les grandes entreprises comme leurs parents, mais plus tard. C'est un changement majeur et un moteur d'innovation des territoires qui sauront allier pôles d'éducation, et pôles économiques et d'innovation.

Cette multitude d'acteurs est efficace pour innover plus vite et tester de multiples pistes jusqu'à ce qu'un modèle dominant émerge. C'est le darwinisme appliqué à l'innovation, qui revient à accepter (et financer) une forte part d'échecs.


Le domaine de la mobilité dans les villes est certainement celui qui est le plus en ébullition.
Il y a bien sûr les grandes plateformes qui ont déstabilisé l'équilibre des taxis il y a 4 ans, et qui ont réussi à trouver une place depuis, mais l'enjeu de la mobilité en ville c'est bien sûr la mobilité plus respectueuse de l'environnement.

Avec 1,8 milliard de voitures dans le monde, la concentration de la population en ville (en 2050 près de 70% des 9 milliards d’habitants) implique la concentration des véhicules. Ce modèle n'est pas viable et des villes chinoises et indiennes peuvent aujourd'hui en témoigner avec des taux de pollution records. Paris n'est pas en reste avec l'augmentation chaque année du nombre de jours d'alertes.

Ce sont donc la révolution de l'électrique, de moyens alternatifs et du numérique (optimisation) qui semblent pouvoir faire évoluer les villes vers un modèle plus durable. Ce terrain de jeu est encore finalement peu défriché.

Comme dans d'autres domaines on voit l'intérêt de l'arrivée de grandes plateformes pour organiser cette optimisation. Par exemple les parisiens ont souvent un vélo dans leur cave mais il n'est pas utilisé. Quand Gobee.bike dépose ses vélos en libre service dans les rues, que l'on peut utiliser et laisser n'importe où, leur plateforme permet de les suivre, de rééquilibrer leurs positions et surtout donne au citoyen une application pour les consommer.

On mesure ainsi la valeur de la plateforme par rapport à l'objet vélo. Les parisiens ont tout pour organiser eux-mêmes un service de vélo en libre service en prêtant leurs vélos, mais il leur maque un élément essentiel dans le modèle : la plateforme.

La collectivité a toujours joué ce rôle de plateforme et surtout de régulation en organisant le service pour les citoyens dans les transports. Aujourd'hui elle est en train de se faire dépasser. C'est l'un des sujets débattus cette même semaine au Cercle Colbertthink tank qui œuvre pour une nouvelle gestion publique locale, et qui organisait une conférence sur le thème "Crise de la ville, Futurs de l'urbain".


Pour Isabelle Baraud-Serfaty, Maître de conférence à Sciences Po et fondatrice d’Ibicity, la notion même d'autorité organisatrice est remise en cause par le digital, l'individualisation et le concept de "ville as a service" (comme dirait un adepte des plateformes) - ou de ville servicielle.

Pour Patrick Braouezec, Vice-Président de la Métropole du Grand Paris, les métropoles doivent penser rayonnement des métropoles plutôt qu'attractivité et ainsi enrayer l'urbanisation galopante.

La synthèse de GreenSI, c'est que le moteur de la Cité du Futur est bien la plateforme.

Une plateforme qui doit intégrer un rayonnement large, avec une interopérabilité vers les autres plateformes, donc plus inclusif que les modèles qui se développent actuellement. L'interopérabilité qui permet la combinaison des modes de transports peut également être atteinte par une plateforme dédiée à l'optimisation des flux, pouvant également combiner des flux de plusieurs services (la livraison de colis est par exemple un service de transport, comme la mobilité).


Le lancement à Paris des Gobee.bike (verts) et cette semaine des Mobike (oranges), ou leur retrait à Reims décidé unilatéralement par Gobee.bike suite aux incivilités de certains habitants, le tout dans le contexte du "fiasco" du Vélib' dont la bascule d'un opérateur - JCDecaux - à l'autre - Smoove - est en train de tourner au cauchemar (bascule choisie et orchestrée par la Ville de Paris). Cela montre tout l'enjeu pour les collectivités d'arriver à organiser autrement le service de mobilité de demain.

Les collectivités ne pourront pas se priver des initiatives privées et du foisonnement d'innovations (et donc de financements) qui s'y attachent. Elles pourront également opérer seules, ou via un délégataire, les opérations de ce qui ne sera à l'avenir qu'une partie du service. Mais pour les citoyens, dans une logique de ville servicielle, elles devront également favoriser les échanges et l'interopérabilité et peut-être étendre leur compétence sur les données pour cela.


Signe des temps, la Ville de Paris organisait également cette semaine des ateliers "Rendez-vous Data", lancés par Anne Hidalgo elle-même. Deux jours de réflexion sur la donnée au service de la transformation et de l'open data. Pas l'open data "1.0" de la simple transparence mais celui des échanges de données de qualité, que l'on retrouve dans les plateformes de données comme opendatasoft, mais également au cœur des projets Smart City de seconde génération comme "ONDijon" celui du Grand Dijon.
Ce cas d'école du "vélo parisien début 2018" est également la révélation que les acteurs chinois peu connus peuvent maintenant débarquer sur de nouveaux marchés en France, comme les plateformes américaines l'ont fait ces dix dernières années. Pour Fleur Pellerin il y a encore des places à prendre dans ce domaine des solutions pour la Smart City avec de l’innovation « made in France », à la French Tech de s'en saisir.

Pour GreenSI, la Smart City c'est la ville à l'ère du numérique, c'est à dire la réinvention des usages de tous les acteurs par le numérique dans un même système complexe.Cela va demander plus de cohérence et de coordination que le numérique dans d'autres secteurs ne reposant que sur la libre concurrence, donc nécessairement de l'open innovation.

Maintenant, quelle serait l'alternative aux plateformes, souvent associées au contrôle par peu d'acteurs et donc la suspiscion d'un service biaisé aux règles pas toujours claires ? 

Maddy Keynote a exploité le filon du buzz de la blockchain dans tous ses thèmes. Finalement en tant que nouvelle architecture de confiance décentralisée, la blockchain est une alternative au remplacement des architectures très centralisées des plateformes.

Dans les domaines où ces architectures vont se développer à grande échelle, comme c'est le cas avec pour l'instant uniquement les crypto-monnaies, c'est l'opportunité de redistribution de la puissance économique, notamment celle des premiers entrants comme les GAFAs.

Certes, mais pour GreenSI cela semble un peu tôt pour rencontrer des blockchains dans les projets sur le terrain. On est donc au mieux à la phase d'investissements avec certainement beaucoup d'échecs pour se confronter à la réalité (énergétique, économique, pouvoir,...)

Pour la Smart City qui cherche encore son modèle et son organisation GreenSI pense qu'on n'y est pas encore. Les premiers entrants des dix dernières années ont construit des "cathédrales technologiques" qui ont mal vieilli seules, car elles n'étaient pas ouvertes. Elles ont rarement développé l'avantage du premier entrant et les nouvelles plateformes n'ont aucun mal à proposer leur offre. Donc avant d'aller explorer avec la blockchain l'ouverture totalement décentralisée, GreenSI voit plutôt pour la Smart City une étape intermédiaire de multiples plateformes interopérables.

Ce qui semble sûr c'est que la Cité du Futur aura besoin d'une architecture numérique qui influencera fortement le développement de ses échanges, et son propre développement. Les collectivités devraient s'en emparer dès maintenant et réfléchir à comment exercer cette nouvelle influence numérique qu'elles doivent pouvoir incarner, sinon pour les citoyens ça risque rapidement de faire pschitt... ;-)




L'humour de ceux qui aiment le numérique